La Tannière de l’Ork Bourré

Les jeux de rôles m’ont toujours plu, mais il n’est pas toujours évident d’être disponible ou de trouver des joueurs qui le sont. C’est pourquoi, pendant quelques années, je me suis tourné vers les jeux de rôles écrits ou “RP”.

A l’aube de l’internet, j’avais participé à un jeu de rôles par mail (RPGPBM : Role Playing Game Play By Mail) sur le thème de Cyberpunk 2020. Avec mon modem 14400 puis 56k, je tentais de suivre laborieusement un scénario développé par un MJ et des joueurs réellement fans de l’univers de ce jeu et qui le maîtrisaient sur le bout des doigts. J’avais beau être MJ sur table de ce jeu, j’étais largué presque tout le temps.

Les années passèrent. Après avoir tenté vainement de lancer mes jdr par mail, c’est après avoir un peu erré sur le forum d’une saga MP3 que je découvrais les RP par forum. J’y ai fait vivre un personnage atypique pendant près d’un an avant que l’histoire ne soit déportée vers un forum dédié où elle s’étoffa de nouveaux personnages, de lieux et de péripéties. Un an après, je devais en partir. C’est à ce moment que j’ai rejoint une amie de l’époque sur un forum qu’elle avait créé avec plusieurs camarades de classe où elles avaient mis en place un univers sombre, violent et décadent comme l’aimaient ces adolescentes portées sur les mangas, le yaoi et le Visual Kei. Puis de là, après trois versions différentes, je passais à une autre histoire, toujours avec plus ou moins le même groupe de joueurs.

J’ai donc joué un peu de tout, en commençant par le cyberpunk avant de passer au médiéval-fantastique, du contemporain ou de la SF, parfois avec des épisodes yaoi ou hentai que mes lectrices semblaient apprécier. Il m’est donc difficile de parler d’un personnage en particulier, mais je pense qu’il y en a un qui pourrait se détacher du lot. Il est tout aussi original et d’inspirations diverses que les autres, mais sa particularité est d’avoir été la source de polémiques et de rumeurs à mon sujet.

Ce qui m’amène à aborder un point avant d’entrer dans le vif du sujet : l’auteur n’est PAS le personnage. Pour les habitués, cela va de soi même si certains joueurs ou auteurs mettent toujours un peu d’eux-mêmes dans leurs personnages. Pour les autres, les ignares, les béotiens ou les imbéciles, chaque action du personnage peut révéler un désir caché de l’auteur. Et c’est pour cette raison que je choisis de parler de ce personnage si dérangeant : le CyberMage.

Non pas un cybermage, potentiellement inspiré du jeu vidéo éponyme, mais LE CyberMage. Les inspirations sont nombreuses pour ce personnage dont, par exemple, Final Fantasy VI, Cyberpunk 2020, plusieurs super-héros de comics et peut-être aussi quelques psychopathes du cinéma américain. Tout cela pour créer un monstre de métal indestructible en alliage d’Adamantium-Vibranium et possédant divers sorts et pouvoirs magiques. Lorsqu’il apparait pour la première fois, avec son petit mètre soixante-dix, il est épuisé et semble fuir quelque chose de terriblement puissant en traversant une porte dimensionnelle. Sa première action ? Tuer le témoin de l’action, un clochard qui se trouvait là. Sa seconde action ? “Commander” une prostituée mineure et pré-pubère au bar (à p…) le plus proche et la “consommer” sur place avant de la décapiter. Pourquoi ? Pour la vampiriser de ses forces vitales et reprendre des forces. Ce monstre était un vampire de vie et de magie, dénué de morale ou de sentiments, ne pensant qu’à fuir tout en plaçant des embûches sur la route des Armures MagiTeks lancées à sa poursuite. Avec l’accumulation d’énergies vitale et mystique vampirisées au fil des scènes jouées, le personnage gagne en puissance et devient plus grand, plus massif, plus imposant et surtout, plus terrifiant.

Pourquoi avoir créé ce monstre ? A l’époque, je n’allais pas très bien psychologiquement, déprimant souvent, et c’est dans l’écriture que je me réfugiais souvent. Mais je n’avais pas envie d’écrire toujours la même chose ou dans le même style et je m’étais retrouvé, à un moment, à vouloir écrire et décrire des scènes d’action. La difficulté de vouloir représenter la simultanéité des actions, la cruauté que nous vendent les jeux vidéo et les films et la faible durée de certaines scènes par des mots n’était pas pour me déplaire. Il est presque aussi difficile de jouer un personnage qui n’est pas soi que de décrire une scène de bagarre de taverne à l’écrit et c’est un peu tout ça qui m’a plu durant les deux années qu’ont duré cette expérience littéraire.

Une expérience littéraire ? En effet, pour moi, le jeu de rôles écrit présente divers avantages qui se rattache pour beaucoup au monde de l’écriture. Il est nécessaire de rendre vivant le personnage que l’on a créé et de le garder crédible si on ne veut pas lasser ses partenaires de jeu. De plus, en tant que MJ (Meneur de Jeu) sur table, il m’arrive d’avoir du mal à retenir l’attention des joueurs le temps de leur lire une belle description et je sais, qu’au final, plus de la moitié du texte aura été perdu pour l’auditoire. En tant que PJ (Personnage Joueur, par opposition au PNJ, Personnage Non Joueur) sur table, il est presque impossible de réussir à placer une description détaillée de ce que veut entreprendre son personnage : soit le MJ est plus occupée par les points de règles concernées, soit, et c’est plus courant, ce sont les autres joueurs qui coupent la parole, à bout de patience. Ces problèmes ne se posent pas dans un jeu de rôles écrit ! Autant en MJ qu’en PJ, on est parfaitement libre de faire toutes les descriptions que l’on veut avec moult détails et pensées personnelles tant que l’on respecte la règle simple de ne jamais jouer les personnages des autres joueurs.

Bien sûr, ce dernier point ne s’adresse pas aux RP via twitter (limite de caractères) ou messagerie instantanée (intervention simultanée de tout le monde) mais il reste vrai pour la majorité des supports et c’est ce qui m’a souvent fait préférer ce mode de jeu. Evidemment, il faut aimer raconter ou décrire ce qu’entreprend le personnage ou ce que doivent imaginer les lecteurs potentiels et il m’est arrivé de tomber sur de jeunes joueurs enthousiastes qui confondaient RPG vidéo (tel que Final Fantasy) et le jeu auxquels ils voulaient participer. Car l’enthousiasme n’est pas tout et une bonne maîtrise de la langue et de ses subtilités peut être nécessaire voire, indispensable pour obtenir un “bon jeu”.

Du moins, c’est mon avis.